Comment enseigner la grammaire ? (Freesette)

De CRPE

Dans les textes officiels

Permanence de certaines positions : la grammaire n'est pas à enseigner hors contexte et il ne suffit pas d'étiqueter. C'est un outil de l'expression orale et écrite. Extrait déjà de la circulaire de 1964.

L'évolution à ce sujet concerne l'analyse de la langue. Dans les programmes de 1985, la part réservée à l'analyse est importante.

En 1992, La maîtrise de la langue à l'école opère une inflexion importante. Même insistance sur la place de la grammaire : liaison étroite entre l'observation du système de la langue et les activités de production et de compréhension des textes. L'ouvrage met en avant des compétences à acquérir et laisse en retrait les activités réflexives (grammaire; orthographe...). Plusieurs phénomènes linguistiques qui interviennent dans l'organisation des textes sont traités comme l'anaphore, les facteurs de cohésion du texte...

Les programmes 2002 prolongent l'avancée de 1992. Ils coiffent sous un nouveau chapeau, "Observation réfléchie de la langue", les précédentes activités réflexives (grammaire, conjugaison, orthographe et vocabulaire). Ce qui souligne à la fois la parenté de ces divers éclairages sur la langue et leur but commun qui est d'être au service d'une maîtrise de la langue. L'accent est mis sur le lien entre ces activités de langue et les productions écrites.

Jusqu'en 1992, on peut dire que les textes officiels en restaient plutôt à des positions générales sur le lien entre la grammaire et l'expression. Avec la maîtrise de la langue, de nouvelles notions entrent dans le champ de travail. Le but d'aide à la production, indiqué depuis longtemps, semble s'être dégagé d'une approche trop centrée sur la langue et sur le travail d'analyse. Le texte actuel veut donner un peu plus de chair au passage des "mots au texte". L'appropriation de la langue doit leur donner plus de sûreté et de liberté dans l'usage de celle-ci.

Cette démarche d'appropriation associe :

- Un certain nombres d'attitudes à l'égard de la langue :

  • Observer des productions linguistiques, orales ou écrites comme des objets que l'on peut décrire et définir les caractéristiques (formes, organisation sonore et graphique...).
  • Chercher dans ces productions certains détails ou caractéristiques précises et repérer les positions ou les contextes dans lesquels on les trouve.
  • Comparer des éléments linguistiques divers (phrases, mots, sons, graphies...)pour en dégager les ressemblances / différences.

- Des techniques d'exploration :

  • Classer (phrases,mots, graphies...). On doit donc définir en amont des critères de classement, les utiliser de façon rigoureuse, s'interroger sur les résultats du classement (classes dégagées, éléments dont elles sont constituées).
  • Manipuler les unités linguistiques (du mot à la phrase) = savoir effectuer certaines opérations (suppression, déplacement, remplacement par ex.).

Ces attitudes et ces techniques doivent être apprises aux enfants qui y seront entraînés. Mais elles ne constituent pas une fin en soi et ne doivent être enseignées qu'en tant qu'elles constituent une méthode. Les enfants seront ensuite invités à se servir de cette méthode pour réfléchir sur le fonctionnement de leur langue et se constituer à son propos un savoir organisé et disponible.

A travers les manuels

Question que doit toujours avoir en tête un enseignant qui prépare une séance de grammaire : le but de cette séance. Plus que dans d'autres disciplines, il doit se demander s'il s'agit pour l'enfant d'acquérir une démarche, une façon de raisonner ou s'il envisage un lien étroit avec l'organisation des textes.

Si l'on se penche sur les manuels, deux grandes périodes peuvent se distinguer dans l'histoire de la grammaire scolaire.

Avant les années 70

Chervel l'a examinée avec grand soin. Pendant tout le XIXème s. et jusque vers 1970, la grammaire scolaire constitue un courant spécifique qui se développe en quelques années jusqu'à étouffer les autres courants de la production grammaticale française. Elle se développe de façon autonome.

2 conséquences :

  • la discipline se coupe d'une assise théorique qui pourrait l'enrichir et la faire évoluer.
  • son objectif central et quasi unique est d'aider à l'apprentissage de l'orthographe. Elle se trouve un peu au coeur de l'enseignement du français.

Après les années 70

La situation est profondément modifiée à partir de 1972. Le plan de rénovation (plan Rouchette) impulse de nouvelles orientations et conduit à déstabiliser dans les faits la place occupée par la grammaire. L'objectif central de la grammaire ne va plus être la connaissance de la langue, mais la réussite dans le lire/écrire. Elle va donc subir plusieurs mutations pour répondre à ce nouvel objectif.

Différents courants dans les grammaires s'empilent :

  • influence structuraliste : importation des opérations de base dans la manipulation des énoncés et des exercices structuraux. Réponses au tac au tac censées s'appyer sur des connaissances implicites.
  • influence générativiste : par ex. dans le découpage de la phrase en deux groupes (GN et GV) et dans la notion de phrase de base.
  • influence énonciative et textuelle : période actuelle dans laquelle sont intégrés des faits de langue qui interviennent dans l'organisation des textes (les substituts par ex.).


Cet enrichissement successif de la grammaire scolaire n'est pas sans poser problème. Impression de patchwork. La transformation de la grammaire ne se fait pas sans à-coups. Karabétian (2000) identifie deux périodes de crise :

  • Entre 1968 et 1972 : il parle de désillusion. La crise naît de la confrontation entre les savoirs linguistiques qui renouvellent la description de la langue et une grammaire scolaire (traditionnelle) qui n'a pas évolué.
  • Entre 1985 et 1995 : il parle d'inadéquation. La transposition didactique conduit à des simplifications, des réductions car la grammaire emprunte, de façon probablement trop rapide, des outils forgés par la linguistique dans un but autre que l'enseignement.

La cote de la grammaire peut se mesurer à l'activité éditoriale qu'elle suscite. Actuellement, la période est plutôt favorable. 2 collections mettent en oeuvre l'idée d'une grammaire liée aux textes (Retz et Delagrave).