Entrer dans l'écrit (Freesette)

De CRPE

On parle d'apprentissage de l'écrit car aucune des compétences qui sont sollicitées pour en maîtriser l'usage ne se construit linéairement et de manière isolée.

Une activité complexe

Entrer dans l'écrit : une dimension sociale et culturelle

Le tri de textes et les savoirs que cette activité permet de construire nous renvoient à une composante essentielle de l'entrée dans l'écrit : la dimension sociale et culturelle de cette apprentissage.
En maternelle, d'autres activités soutiennent cet aspect. La lecture d'albums et le questionnement qui suit sont des moments récurrents dans la vie de la classe. Il faut ajouter à cela le fait de raconter des histoires, différentes animations autour du livre et la rencontre avec tous les écrits disponibles.
Ces activités ont trouvé dans la BCD, structure créée dans les années 80 pour descolariser la lecture, un relais important. Mais attention au "bain de livres" qui ne forme pas un lecteur par génération spontanée. La BCD reste un appui important pour l'entrée dans l'écrit quand les activités qu'on y développe sont finalisées par des apprentissages précis.

Les programmes 2002 ajoutent des précisions utiles :

  • ils reprennent et développent l'idée du tri de textes en l'intégrant dans un premier objectif général, celui de découvrir les principales fonctions sociales de l'écrit.
  • il s'agit aussi de familiariser avec le français écrit (2d objectif général) et l'on y préconise la dictée à l'adulte.
  • dès la maternelle, il faut se construire une première culture littéraire.

Entrer dans l'écrit : une activité cognitive et conceptuelle

Mais cet apprentissage progressif de l'écrit porte aussi sur la nature même du code et la découverte de ses fonctionnements.

Confrontés à des textes de différentes natures ou au travail d'écriture de l'adulte, les élèves découvrent progressivement les règles du langage écrit. La reconnaissance et l'écriture du prénom met en évidence ces aspects dans les classes de l'école maternelle.

Psychogenèse de l'écrit

Les travaux d'Emilia Ferreiro ont ouvert la voie à de nombreuses recherches sur la manière dont les enfants construisent le système de l'écrit, sur les plans psycholinguistiques et cognitifs. On parlera de travaux sur la psychogenèse de l'écrit'. La théorie de la clarté cognitive complète ces travaux sur le plan didactique. Elle postule que les difficultés d'apprentissage sont liées à des représentations confuses sur les tâches à accomplir et sur le fonctionnement du système graphique. Si l'enfant ne sait pas pourquoi il apprend à lire et qu'il ne perçoit pas le caractère symbolique de l'écriture, il ne pourra construire et développer son apprentissage de l'écrit.

Face à l'écrit, le travail de l'enfant est essentiellement cognitif et porte sur la conceptualisation de l'écriture. Il va devoir faire un certain nombre de découvertes :

  • comprendre que l'écriture est conventionnelle à la différence du dessin ;
  • contrôler la quantité d'éléments que doit comporter la production écrite et éviter le remplissage aléatoire ou illimité d'un espace ;
  • différencier les écritures qui représentent des noms différents ;
  • enfin, percevoir qu'une écriture a une relation avec la valeur sonore du mot.

Dans un exercice où le maître demande à un enfant d'écrire des mots connus mais qu'il n'a jamais écrits, Emilia Ferreiro isole quatre étapes dans la réponse de l'enfant :

  • le niveau pré-syllabique : l'enfant distingue écrire et dessiner. Il pense que l'écriture a du sens et reconnaît son orientation. Il écrit surtout des noms. Il n'y a aucun lien entre l'aspect sonore et l'aspect graphique. En revanche il tient compte des caractéristiques des objets. Il utilise lettres, pseudo lettres, grabouillis.
  • le niveau syllabique : l'enfant pose une lettre pour une syllabe orale. Phase qui dure peu car en raison du grand nombre de mots monosyllabiques, l'enfant découvre assez vite que beaucoup de monosyllabes sont écrits avec plusieurs lettres.
  • le niveau syllabico-alphabétique : la lettre est tantôt associée à une syllabe, tantôt à un phonème. C'est souvent le cas au CP quand l'enfant oublie des lettres dans les mots qu'il écrit.
  • le niveau alphabétique : une lettre transcrit un son. Il reste à découvrir les valeurs conventionnelles des lettres et le fait qu'elles ne transcrivent pas toujours des sons et ont une valeur orthograhique.

Dans une perspective voisine, Gérard Chauveau distingue 4 stades : écriture pré-linguistique, segmentée, phonique et à tendance alphabétique.

La question du geste graphique

Les questions du geste graphique et de la conscience phonique ont longtemps été considérés comme des pré-requis pour pouvoir lire et écrire.

Le geste graphique

L'espace graphique n'existe pas pour le jeune enfant. Il déborde de la feuille, l'utilise dans tous les sens... Les premiers tracés sont verticaux et horizontaux puis courbes et elliptiques. Aux environs de deux ans, l'enfant croise le geste et réalise des cycloïdes allongées indispensables à l'écriture.

Il faut ajouter la dimension perceptive : à partir de 20 mois, l'enfant suit de l'oeil le mouvement de la main, puis le tracé directement. Cela lui donne la possibilité de freiner, d'interrompre le mouvement, bref de le contrôler. Vers 3 ans, l'enfant effectue un double contrôle : il peut unir deux tracés par un 3ème. Il peut alors passer du bonhomme têtard au personnage avec tête et corps. A trois et deux mois, il peut effectuer des spirales (escargots). Entre 3 et 4 ans, il peut tracer des croix.

L'enfant sépare alors écriture et dessin (orientation et sens contraignants / liberté de la disposition). L'écriture est horizontale et linéaire. Elle suppose une liaison entre les lettres et des conventions de hauteur relative : les capacités visuelles et motrices de l'enfant doivent être fines.

Des activités graphiques aux activités d'écriture

Capacité d'une pensée symbolique + contrôle des mouvements et des gestes : cela permet aux enfants d'explorer les mutliples possibilités de l'activité graphique à savoir, le dessin, le graphisme, l'écriture.

Ces trois dimensions de l'activité symbolique sont exercées à tous les niveaux de l'école maternelle sans jamais être confondues.

  • dessin : l'enfant organise des tracés et des formes pour créer des représentations ou exprimer des sentiments et les communiquer.
  • graphisme : utilisation des enchaînements de lignes simples, rectilignes ou courbes, continues ou discontinues et des alternances de couleurs qui se rythment et se structurent en motifs.
  • écriture : activité graphique et linguistique dont les deux composantes ne peuvent être dissociées.

La question de la conscience phonique

De la même manière, la question de la conscience phonique, reconnue comme essentielle, est intégrée dans la progressivité des apprentissages.

Il s'agit de prendre conscience des réalités sonores de la langue. Le système d'écriture alphabétique se fonde essentiellement sur la relation entre unités distinctives du langage oral (phonèmes) et unités graphiques (graphèmes). Les constituants phonétique du langage sont difficilement perceptibles pour le jeune enfant. Il convient donc de lui permettre d'entendre autrement les paroles qu'il écoute ou qu'il prononce en apprenant à centrer son attention sur les aspects formels du message.
La poésie joue avec les constituants formels, rythmes et sonorités, autant qu'avec les significations.
La syllabe est un point d'appui important pour accéder aux unités sonores du langage. Retrouver les syllabes constitutives d'un énoncé est le 1er pas vers la prise de conscience des phonèmes de la langue.
Dans un deuxième temps, vers 5 ans, on invite les enfants à découvrir que la langue comporte des syllabes semblables.