Les dysphasies (Freesette)

De CRPE

Qu'est-ce que la dysphasie ?

Un trouble spécifique du développement du langage. Hétérogénéité de cette pathologie.

La dysphasie touche 1% des enfants en âge d'être scolarisés. Mais ce chiffre ne tient compte que des dysphasies graves.

Dans les dysphasies, il y a déficit des structures linguistiques : une altération du développement des fonctions langagières empêche l'acquisition normale du langage expressif ou réceptif.

La dysphasie se caractérise par l'existence d'un déficit durable des performances verbales, significatif en regard des normes établies pour l'âge. Cette condition n'est pas liée à un déficit auditif, une malformation des organes phonatoires, une insuffisance intellectuelle, une lésion cérébrale acquise au cours de l'enfance, un trouble envahissant du développement, une carence grave affective ou éducative.

Les dysphasies sont congénitales ou acquises très tôt dans le développement. Elles sont à distinguer des aphasies qui surviennent plus tard après l'acquisition d'un langage structuré.

Comment classer les dysphasies ?

Avant 6 ans, il est difficile d'établir clairement la frontière entre retard simple et dysphasie.

Ce retard peut affecter :

  • la programmation phonologique : retard dit de parole qui inclut des troubles de la réalisation articulatoire (ex:zozotement), simplification des phonèmes, des inversions ou des confusions sur le point d'articulation.
  • l'aspect phonologico-syntaxique : retard dit de langage. L'apparation du premier mot sera tardive, après 24 mois, le mot-phrase vers 3 ans (au lieu de 2), le "je" et les pronoms vers 4 ans au lieu de 3, le stock lexical progresse lentement et l'enfant ne fait pas de phrases complexes.

Il n'y a pas de déficit, mais retard de maturation. Ce retard est comblé sans séquelle entre 3 et 5 ans. Il est limité au versant expressif du langage et a une évolution favorable. Dès que le trouble s'étend à tous les aspects de la communication et surtout à la compréhension, on peut soupçonner une dysphasie, structurelle et durable. Par ailleurs, la dysphasie et le retard de langage ne diffèrent pas seulement quantitativement, mais aussi qualitativement. L'enfant dysphasique parle de façon spécifique. Son langage est déviant par rapport au langage normal.

Les dysphasies réceptives

  • "Surdité" verbale. L'enfant identifie mal les mots qu'il entend, les isole mal dans la chaîne parlée et ne leur donne pas de sens. Les sons non-verbaux sont mal décodés (il n'associe pas par ex le bruit d'un moteur et la voiture). Problème de compréhension. Parle très peu, ne semble pas intéressé par le monde extérieur. Le langage des signes peut permettre de restaurer la communication.
  • Trouble de discrimination phonologique : confond les sons et les mots phonologiquement proches (pain/main/bain). Peut parler beaucoup, mais de façon peu intelligible et peu cohérente. Langage écrit en déficit, mais interaction productive entre oral et écrit. La méthode Borel-Maisonny peut les aider : [1]

Les dysphasies expressives

  • Dysphasie phonologique : difficulté de mise en sons. L'enfant plus grand prenant conscience de la distorsion entre la forme prononcée et celle qu'il a en mémoire, essaie de se corriger et tente beaucoup d'essais. Il comprend très bien le discours d'autrui. L'entrée dans l'écrit (méthode syllabique) améliore son oral.
  • Dysphasie phono-syntaxique : la forme la plus classique. Elle affecte plusieurs niveaux  : phonologie et morpho-syntaxe. On parle d'agrammatisme. L'enfant oublie les petits-mots, ne conjugue pas les verbes énoncés à l'infinitif et modifie l'ordre des mots. Lexique pauvre, mot déformé. Parfois troubles de l'évocation : anomie ou dysnomie. L'apprentissage de l'écrit est difficile ; la voie directe (par adressage) étant préservée, on privilégiera les méthodes semi-globales et globales.

Les dysphasies mixtes

  • Dysphasie mnésique : déficit lexico-syntaxique. Articulation normale, mais l'enfant n'arrive pas à construire logiquement un récit et trouvant difficilement les mots

(anomie), il les remplace par des périphrases coûteuses en énergie. Sa compréhension du discours d'autrui diminue si les phrases entendues sont trop longues.

  • Dysphasie sémantique-pragmatique : articulation des mots et construction correcte de phrases, mais cela ne suffit pas pour que la communication s'instaure harmonieusement. C'est l'aspect pragmatique du langage qui est en jeu. Il utilise des formules plaquées sans rapport de sens. L'enfant peut parler beaucoup, mais pour ne rien dire. Il est souvent hors sujet. Il ne perçoit pas l'ironie, les plaisanteries, les métaphores.

A quoi voit-on qu'un enfant est dysphasique ?

Retard anormal :

  • quand un enfant ne parle pas du tout à 18 mois
  • qu'il n'associe pas des mots à 2 ans
  • que sa production reste inintelligible au-delà de 2 ans
  • qu'il ne construise pas ses phrases syntaxiquement au-delà de 3 ans
  • que le "je linguistique" ne soit toujours pas construit au-delà de 3 ans

Entre 3 et 4 ans, on peut s'inquiéter si les troubles réceptifs affectent la compréhension des mots isolés et si en expression, on trouve des phénomènes de complexificiation. Entre 4 et 8 ans, l'évidence des troubles s'impose.

Comment dépister et remédier ?

Etre vigilant aux signaux d'alerte. Contrairement à la dyslexie qui ne peut être diagnostiquée en tant que telle qu'après les problèmes de lecture avérés, la dysphasie peut être décelée très vite. Les outils de dépistage sont les mêmes que ceux de la dyslexie.

En principe, il n'y a pas de CLIS pour les dysphasiques. Ils sont parfois intégrés à des structures pour les sourds et mal-entendants.

Quelles pistes pour la classe ?

Comme les troubles sont d'ordre auditif et verbal, l'approche visuelle et gestuelle est conseillée.

Au niveau de la réception :

  • attirer l'attention de l'élève quand on lui adresse un message
  • ne donner qu'une consigne, brève, à la fois
  • utiliser des mots simples et connus de l'enfant
  • parler lentement et en ralentissant le débit
  • le placer près de l'enseignant
  • vérifier la compréhension verbale : faire répéter le message par l'élève ou lui poser des questions
  • mimer le message quand c'est possible
  • développer la conscience phonologique
  • utiliser la méthode Borel-Maisonny en cas de trouble de la discrimination phonologique, un geste codant un son
  • dans les formes les plus graves, l'éducateur spécialisé peut utiliser la Langue des Signes Françaises (LSF).