Tauveron Catherine : "Lire la littérature à l'école" (Freesette)

De CRPE

Objectifs

  • Expliquer les enjeux de la lecture littéraire à l'école
  • Aider à mieux choisir les textes (problématiser)
  • Faire comprendre quelles compétences développer chez les élèves et comment
  • Favoriser d'autres dispositifs de lecture de textes littéraires
  • Informer sur les différents dispositifs de présentation du texte (lecture)
  • Informer sur les différents dispositifs de questionnement du texte
  • Aprofondir la notion de "mise en réseau"
  • Démontrer les capacités des élèves à lire & comprendre des textes littéraires


1- Enjeux de la lecture littéraire à l'école

L'objectif est d'apprendre à comprendre et de donner le goût de lire. Pour cela, on doit passer de la compréhension "littérale" à la compréhension dite "fine". L'élève doit en effet être capable, après identification des mots, de faire des inférences. Le texte littéraire doit donc être abordé autrement que par une seule lecture référentielle où l'on passe par un questionnaire de base sur le texte (personnages, lieu, explication sur des mots...). On doit aussi appréhender les dimensions symbolique et esthétique du texte.

Souvent l'enseignant est le seul à faire des inférences, à détecter les difficultés / béances et à y répondre. Or son rôle est de guider les élèves pour qu'ils s'approprient le texte, le comprennent, l'interprètent. A lui de s'assurer - avec les élèves - d'une bonne interprétation basée sur les indices du texte.

Pourquoi ces "efforts"? Parce que le véritable enjeu de la lecture littéraire est de construire une culture personnelle et partagée ("une lecture littéraire permet de mobiliser une culture antérieurement construite et d'en créer une nouvelle.").

En effet, la lecture littéraire implique une culture partagée ou à partager, tous ensemble dans la classe. C'est un lieu de négociation de sens, d'écoute de soi et de l'autre, un lieu de tolérance, mais aussi d'esprit critique toujours en éveil : un lieu d'intersubjectivité.

Ce travail est réalisé dans le secondaire et pour assurer une continuité dans la méthode d'approche de la lecture du texte littéraire de la maternelle au lycée, on doit donc avoir pour objectifs :

  • la compréhension du récit au minima : pouvoir identifier les personnages en présence, leurs buts, leurs rôles respectifs dans l'action, leurs relations (familiales, affectives, sociales...) et reformuler les grandes lignes de l'intrigue. Dès la petite section, on y travaille.
  • l'identification des problèmes de compréhension et d'interprétation que pose le récit aux élèves. Car il s'agit aussi et surtout de leur apprendre à surmonter ces difficultés ensemble. C'est par ce biais qu'une culture partagée se construit.

2- Choix des textes

Typologie des problèmes

Il s'agit d'abord de connaître les types de problèmes que peuvent rencontrer les élèves à la lecture d'un texte :

  • Problèmes d'ordre cognitif : reconnaissances des personnages, de leurs rôles, compréhension de l'intrigue, synthèse, ... Trop souvent, on répond à ces problèmes en donnant des lectures "simples" aux élèves.
  • Problèmes d'ordre culturel : bien moins connus que les problèmes d'ordre cognitif. Il s'agit de tous les "lieux communs" culturels qui finalement ne sont pas si communs à tous (stéréotypes de personnages, symboles courants, canons du genre...). Il y a une nécessité de construction de ces repères culturels au sein de la classe.

Textes à la compréhension problématique

Ensuite, on peut choisir des textes dont on sait qu'ils seront problématiques :

--> Récits qui conduisent le lecteur à une compréhension erronée. Fausses pistes, rétention d'informations... (Papa ! de Philippe Corentin)

--> Récits qui empêchent délibérement la compréhension immédiate :

  • Adoption d'un point de vue inattendu (non humain, qui oblige à reconsidérer notre vision du monde comme dans Doctor Xorgol de Tony Ross), polyphonique (Verte de Marie Desplechin), contradictoire (Le journal d'un chat assassin d'Anne Fine) ;
  • Relais de narration avec plusieurs témoignages partiels de différents personnages (L'enfant-océan de Jean-Claude Mourlevat) ;
  • Perturbation de l'ordre chronologique (Le boa à la ferme de Trinka Hakes Noble) ;
  • Enchâssement de récits dans le récit (Dents d'acier de Claude Boujon) ;
  • Déroulement parallèle de plusieurs parcours de personnages (On a volé Jeannot Lapin de Claude Boujon) ;
  • Silence sur un personnage, son but, l'issue de sa quête... (Le Mur d'Angel Esteban)
  • Brouillage volontaire des reprises anaphoriques (personnages nombreux, susbstitution de leurs noms... Confusion totale) comme dans L'Affaire du livre à taches de Paul Cox ;
  • Monde fictif (Les deux goinfres de Philippe Corentin) ;
  • Evocation, citation, transformation d'autres textes dans le texte (Les lèvres et la tortues de Christian Oster) ;
  • Eloignement des canons du genre ;
  • Mise en scène de la lecture du récit ou de son écriture avec lecteur fictif ou auteur fictif (C'est l'histoire d'un loup et d'un cochon de Rascal et Nicolas de Crécy) ;
  • Masquage des valeurs (qui est le personnage positif / négatif ?) comme dans Poussin noir de Rascal ;
  • Pratique de l'ironie (Benjamin ou une action héroïque de Heine Helme) ;
  • Contradiction entre texte et image (L'Afrique de Zigomar de Philippe Corentin).

Textes hardus à interpréter

Dans le cas de l'interprétation d'un texte, là encore, de nombreuses difficultés peuvent surgir. On peut comprendre un texte, mais tout le travail d'interprétation est aussi important. Par ex., dans le cas du Journal d'un chat assassin d'Anne fine, on comprend que le chat ment en disant qu'il a tué le lapin. Mais l'intérêt de l'histoire est ailleurs, ainsi que les débats possibles : quelle est la psychologie et quels sont les mobiles du chat ? Compréhension et interprétation sont donc deux objectifs de la lecture littéraire et on ne peut se passer ni de l'une, ni de l'autre. De même, la compréhension ne vient pas forcément AVANT l'interprétation. Les deux sont interdépendantes.

Mais le rôle du maître n'est pas d'orienter l'interprétation par des questions. Il n'est pas non plus d'accepter toute interprétation. L'enseignant doit trouver le bon équilibre entre les droits du lecteur et les droits du texte. Pour qu'une interprétation soit plausible, elle doit être soumise à une procédure de validation qui s'appuient sur des données objectives du texte et/ou des données extérieures de nature culturelle : on recherche les indices dans le texte et hors du texte (appel aux stéréotypes, par exemple).