Les dyslexies et dysorthographies (Freesette)

De CRPE

Qu'est-ce-que la dyslexie ?

Pour qu'un enfant puisse lire, il faut qu'il ait :

  • une conscience phonologique dès 3-4 ans. Elle permet de segmenter les mots entendus en sons qui les constituent. Il faut casser le mot pour repérer la syllabe.
  • une 'conscience phonémique : palier supérieur atteint vers 6-7 ans. Il permet de casser la syllabe pour repérer un constituant encore plus petit, le phonème.

Pour accéder à la lecture, il y a deux voies :

  • la voie indirecte : dite aussi par assemblage ou voie phonologique. L'enfant identifie visuellement des unités comme les lettres b et a, il les convertit en phonèmes /b/, /a/, les met dans sa mémoire à court terme et les assemble pour produire /ba/.
  • la voie directe : par adressage, orthographique, ou voie lexicale. Le mot est reconnu de façon globale car il a été stocké dans la mémoire à long terme, dans un stock lexical.

Ces troubles affectent les enfants de tous les pays, quelle que soit la langue, le milieu social et le système éducatif. Ils touchent plus les garçons que les filles (3 fois plus). Il ne faut pas confondre dyslexie et illétrisme. Leur incapacité à entrer dans l'écrit est due à des raisons spécifiques.

A quoi voit-on qu'un enfant est dyslexique ?

Cf. le tableau sur Eduscol : [1]

A la maternelle

La dyslexie n'est diagnostiquée que lorsqu'il y a un décalage de deux ans entre l'âge réel de l'enfant et le niveau de ses réalisations écrites. On ne peut donc pas parler de dyslexie à la maternelle car les enfants n'ont pas encore appris à lire. Certains signes peuvent éveiller l'attention.

En PS et MS, il faut être attentif à :

  • un retard de parole ou de langage marqué ;
  • la difficulté à mémoriser une comptine, des consignes, à rappeler certains mots ;
  • des difficultés syntaxiques ;
  • des inversions de sons (tri pour tir...) ;
  • des difficultés de sériation (classer du plus grand au plus petit) et d'organisation spatio-temporelle (devant/derrière ; haut/bas...) ;
  • une maladresse et une gaucherie dans la coordination motrice et une mauvaise perception du schéma corporel (il nomme mal les parties de son corps).

Au cycle II

A la fin du cycle II, un enfant a appris à lire et commence à entrer dans le stade orthographique. L'enfant dyslexique :

  • fait des confusions auditives fréquentes entre les consonnes sourdes et sonores : c/g, f/v, t/d, p/b, s/z, ch/j.
  • fait beaucoup d'erreurs sur les lettres se prononçant ou s'écrivant différemment suivant le contexte (g,s,c...), sur les groupes consonantiques plus complexes (tr,cl...) et sur les digrammes et trigrammes (ch, eau, oeu...). Difficultés pour tous les enfants, mais leur non-acquisition au-delà d'un certain délai doit alerter l'enseignant.
  • fait des confusions visuelles de lettres en lecture et écriture : u/n, m/n, i/l, a/o, mais surtout sur les lettres à "boucles" comme p/q, d/b.
  • inverse fréquemment les lettres, omet parfois des syllabes ou les inverse aussi bien en lecture qu'en écriture, sur les mots connus et sur les mots sans signification (que l'on appelle souvent "logatomes").
  • segmente mal les mots découpés arbitrairement en dictée (devez-vous descendre ?). Il ne repère pas les mots de la même famille, et ne met pas l'accord dans le groupe nominal et verbal.
  • saute des mots en lecture, des lignes, a des difficultés à se repérer dans la page.
  • en écriture, il tient mal le crayon, forme mal les lettres (surtout les majuscules), ne respecte pas la ligne de base et a du mal à recopier un mot, une phrase.

Tous les enfants dyslexiques ne présentent pas tous ces éléments car il y a de multiples formes de dyslexies. Certains développent des phénomènes de compensation. C'est pourquoi le diagnostic est porté souvent tardivement en cycle III, voire plus tard.

Au cycle III

Les signes apparaissent plus clairement car les exigences sont plus grandes en lecture-écriture. Tous les éléments cités pour le cycle II peuvent encore être présents et se sont mêmes amplifiés. L'écart avec les autres normolecteurs et normoscripteur s'est creusé :

  • très grandes difficultés en lecture avec confusion auditive entre consonnes sourdes et sonores et confusions visuelles entre lettres proches graphiquement, ainsi que sur tous les sons complexes (ail, eil, euil, oin). Il omet les "petits mots" comme "et", "par", invente la fin des termes et ne comprend pas ce qu'il lit.
  • dictées catastrophiques au niveau de la segmentation des mots, correspondance graphie-phonie et des accords. Aucune règle vraiment appliquée. La dysorthographie devient manifeste. Tous les enfants dyslexiques sont dysorthographiques à des niveaux plus ou moins sévères.
  • peut avoir du mal à copier des phrases et à apprendre ses leçons.
  • peut rencontrer des difficultés de spatialisation (difficultés à utiliser règle, compas, équerre) et de repérages spatio-temporels (difficultés avec l'heure, les jours de la semaine, les saisons, cahiers de texte, agendas...).
  • peut avoir des problèmes pour classer, sérier, ordonner (y compris son cartable et sa chambre)

Quelles sont les causes de la dyslexie ?

Dyslexie, dysphasie et cerveau : une origine biologique

L'origine biologique, à savoir génétique et neurologique du déficit phonologique fait maintenant l'objet d'un très large consensus au sein de la communauté scientifique :

  • pertes d'asymétrie au niveau du cerveau
  • des configurations différentes du corps calleux
  • excès de cellules
  • activation moindre ou différentes de certaines zones lors de la lecture

La dyslexie est bien une anomalie des zones du langage. Même si on ne peut pas affirmer à 100% que toutes ces anomalies soient directement la cause des dyslexies. Mais les personnes dyslexiques ont bien un cerveau singulier.

Cette anomalie serait héréditaire. Il y a aussi des facteurs hormonaux sur le développement cérébral car le garçons sont plus touchés que les filles. On naît donc dyslexique. Il faut la repérer et la traiter si on ne veut pas s'y enfoncer.

Un trouble de la perception phonologique

Pour lire, il faut comprendre que l'écrit code de l'oral et que dans la majorité des mots réguliers, un phonème correspond à un graphème, qu'à chaque unité orthographique correspond une unité phonologique spécifique. Un enfant ayant compris ce système de correspondances de base n'aura pas de mal à lire, par la voie indirecte, par assemblage des unités (p a = pa), en mettant en place le rapport phonie/graphie. Mais pour ce faire, il faut d'abord discriminer correctement les sons. Or, c'est précisément la déficience dont souffre l'enfant dyslexique, avant même l'apprentissage de la lecture : l'identification des sons est peu performante.

D'une manière générale, l'enfant dyslexique ne sait pas consciemment repérer et manipuler syllabes et phonèmes. Il confond les sons proches dont l'opposition ne repose que sur un seul trait pertinent : le voisement (opposition sourde / sonore).

La dyslexie n'est donc pas un trouble visuel. Elle est bien due à un déficit dont le traitement du son et la sévérité du trouble dépend de l'ampleur de ce déficit. La frontière entre les phonèmes n'est pas clairement établie, comment donc les associer à des graphèmes différents ? D'où les problèmes de dysorthographies.

Des désordres sensori-moteurs

Si tous les chercheurs admettent la déficience phonologique comme cause directe, certains pensent qu'au-delà de la phonologie, les dyslexiques sont atteints d'un dysfonctionnement plus général, affectant la perception auditive, visuelle et motrice. C'est la thèse sensori-motrice qui s'oppose parfois à la thèse phonologique.

En 2005 (journée ONL), une équipe du CNRS a contesté la thèse du "tout phonologique" qui ne rend pas compte de la dversité des troubles dyslexiques. Elle plaide pour une "origine multifactorielle des troubles lexiques".

Retenons que si les troubles phonologiques concernent tous ou presque les dyslexiques (75 à 100%), les troubles sensori-moteurs ne concernent qu'une fraction plus ou moins grande d'entre eux. Le rôle causal direct de la phonologie paraît incontestabke dans la très grande majorité des cas.

Comment classer les dyslexies ?

Troubles associés

Il y a toutes sortes de dyslexies. Si elle est une donnée biologique, l'environnement et quelques facteurs extérieurs peuvent la minorer ou la majorer. On doit analyser notamment la présence de troubles associés. Elle est toujours associée à une dysorthographie, alors qu'on peut trouver une dysorthographie isolée (sans dyslexie). D'autres éléments peuvent entrer en jeu :

  • un trouble du langage oral : la moitié des dyslexiques ont présenté dans l'enfance des troubles du langage oral plus ou moins marqués.
  • des troubles de l'attention : ils se laissent plus facilement distraire par des éléments extérieurs par rapport à la tâche ("attention sélective") ou ne peuvent maintenir leur attention assez longtemps ("attention maintenue").
  • des troubles psychomoteurs : mauvaise intégration du schéma corporel, à des troubles de la représentation spatio-temporelle et de la coordination motrice.
  • une dysgraphie corrélée fortement à la dyslexie, mais pas toujours présente. Le geste de l'écriture n'est pas maîtrisé, l'écriture est irrégulière, ne respecte pas forcément la ligne de base, parfois illisible.
  • une dyscalculie : souvent présente dans les dyslexies sévères. On différencie la dyscalculie chiffres (l'enfant est incapable de les lire), la dyscalculie des opérations (il ne peut pas les aligner) et des troubles de raisonnement et de logique lors de la résolution de problèmes mathématiques. Ces formes nécessitent des rééducations spécifiques qui se font parallèlement à la rééducation du langage écrit.
  • certains troubles de la mémoire concernant la forme visuelle des mots.

Mais il ne faut pas omettre le côté positif de la dyslexie. Le cerveau génère des talents particuliers. Les dyslexiques ont une perception spatiales supérieures à celles des normolecteurs.

Trois grands types de dyslexies

Dans la dyslexie phonologique (60 à 65% des cas), la voie phonologique est atteinte et l'enfant n'accède pas au rapport phonie-graphie d'où de nombreux problèmes en lecture. Mais la voie lexicale étant saine, le stock lexical peut s'élaborer et des mots irréguliers peuvent être correctement écrits.

Dans la dyslexie de surface (10% des cas), la voie lexicale étant atteinte, tout passe par le décodage. L'orthographe est phonétique avec de gros problèmes de segmentations. En lecture, sauts de ligne, ajouts, omissions...

La dyslexie-dysorthographique mixte (25 à 30% des cas) correspond à une altération des deux voies: le déchiffrage et la compréhension sont très mauvais. Le lexique orthographique n'a pas pu se construire, et mauvaise transcription graphie-phonie.

Comment les dépister et y remédier ? Qui et avec quels outils ?

Les réponses ne peuvent être trouvées que dans la réflexion menée par l'équipe éducative, associant nécessairement à l'enseignant les personnels du RASED (Réseau d'Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté), le médecin et l'infirmière de l'Education nationale, ainsi que les parents de l'élève. Le repérage devrait intervenir au plus tard au début de la GS de maternelle.

Outils

  • Les premiers concernent les troubles du langage oral. On peut repérer des enfants à risque dès la PS, avec éventuellement l'aide du questionnaire langage et comportement du Dr Chevrie Muller. Il est à noter que le travail de langage en petits groupes homogènes ou individuellement est précieux pour cerner les compétences langagières de ces enfants.
  • A l'intérieur de l'école, le maître E (enseignant spécialisé chargé de l'aide à dominante pédagogique des enfants en difficulté scolaire) ou le maître G (enseignant spécialisé chargé de l'aide à dominante rééducative) membres du RASED, ainsi que le psychologue scolaire, peuvent réaliser les premières évaluations : grille d'évaluation des acquis pré-élémentaires, BAT-ELRM, Batterie prédictive...
  • D'autres outils ont été produits par l'éducation nationale : Lire au CP 1 et 2 et les livrets d'évaluation à l'entrée au CE2, de 6ème et de 5ème. Détection élargie à tout élève en difficulté de lecture.
  • Les autres batteries d'outils sont utilisés par les professionnels de la santé. Il existe deux bilans de dépistage systématique : en MS à 4 ans par le médecin et l'infirmière de la protection maternelle et infantile (PMI) et en GS entre 5 et 6 ans par le médecin et l'infirmière du service de promotion de la santé avec plusieurs outils : ERTL4 (épreuves de repérage des troubles du langage à 4 ans), ERTL6. D'autres tests élargissent le champ de l'investigation à l'écrit : le BSEDS 5-6 (bilan de santé - évaluation du développement pour la scolarité 5-6 ans) qui contient un questionnaire d'observation rempli par l'enseignant / ODEDYS outil de dépistage et de suivi des enfants dyslexiques pour les professionnels cliniciens/ la BREV...

Cf. site eduscol : [2]

Certaines épreuves sont très connues : le Test de l'Alouette, un texte de 265 mots lu à haite voix par l'enfant qui permet de fixer un âge de lecture correspondant ou pas au niveau scolaire de l'enfant. Ceci suivant les erreurs et réussites et du temps. Texte sans grand sens et au vocabulaire peu usité.

Une fois l'enfant repéré, l'enseignant ou le membre du RASED ou le psychologue, invite les parents, après information, à faire un bilan orthophonique. Puis suivant les cas, d'autres bilans visuels et ou auditifs pour évacuer la piste d'autres troubles. D'autres examens peuvent être nécessaire sur l'aspect psychomoteur ou psychologique. Parfois le médecin scolaire a recours à un neuropédiatre pour affirmer son diagnostic, étayer sa forme clinique.

Une fois le diagnostic posé, l'enfant reste dans le circuit scolaire normal avec une aide régulière des membres du RASED ou avec quelques aménagements. Les enfants présentant des troubles sévères peuvent bénéficier d'un projet individuel d'intégration scolaire (PIIS) mis en place dans le cadre de l'accueil des élèves handicapés et soumis aux propositions de la Commission de Circonscription Pré-élémentaire et élémentaire (CCPE).

Refonte complète de ces structures en janvier 2006.

Quelles solutions pédagogiques dans l'école, dans la classe ?

Les CLIS ne sont pas adaptées aux dyslexiques qui ne présentent aucune déficience intellectuelle. Certains sont pourtant accueillis par défaut dans ces structures, ainsi que plus tard en SEGPA.

On préfère tout de même l'intégration dans l'école, ce qui suppose une aide régulière du RASED. Le maître peut donc agir dans sa classe.

A l'école maternelle

Le maître doit :

  • privilégier les entraînements à la discrimination auditive et visuelle (activités faisant jouer la mémoire qui intervient dans le processus de lecture) ;
  • travailler la conscience phonologique avec des comptines, jeux de doigts, rondes et marchesnqui rythment les syllabes ;
  • développer les activités sensorielles et motrices et celles qui ont pour but d'enrichir le langage oral : histoires lues, travail sur la compréhension.

A l'école élémentaire

  • En CP, besoin d'un entraînement plus intense, plus spécifique, systématique sur la reconnaissance des mots. Travail en petits groupes ou individuel pour soutenir celui engagé par l'orthophoniste.
  • Il faut développer des stratégies alternatives : pour les enfants qui ont du mal à relier les phonèmes aux graphèmes, on peut utiliser les gestes (méthode Borel-Maisonny, par ex.), les objets ou les couleurs.
  • Il faut repenser les modalités de travail. Les enfants dyslexiques sont lents dans leur travail. Le maître peut donc écourter l'exercice ou leur donner du temps supplémentaire. Ne pas hésiter à utiliser le dispositif en binôme qui peut les délester d'une partie de la lecture et de l'écriture. Les consignes se font aussi oralement, limiter la copie, éliminer la prise de note coûteuse en énergie, leur procurer des photocopies claires et aérées (résumé, informations essentielles pour éviter trop de lecture), adapter les modalités d'évaluation (privilégier l'oral), les aider à s'organiser... Conseils sur : [3]